mardi 29 avril 2014

States of Grace (Destin Cretton, 2014)


Pourtant largement salué par la critique, on dirait que «  States of Grace », film prétendument « social », a été réalisé par de jeunes bobos privilégiés qui ne connaissent de leur sujet que ce qu’ils ont pu en voir dans les séries américaines bien pensantes et lisses des années 90. Tout sonne si faux, qu’on en est estomaqué : les décors (le foyer ressemble à un croquignolet petit campus américain), les costumes (tout le monde est « swag » : converses et petites chemises tendances semblent la mise chez les gamins défavorisés comme chez leurs éducateurs), les acteurs (pour la plupart stéréotypiques au delà des mots), la musique sirupeuse et « bons sentiments » omniprésente… Et cela sans même parler du nœud du sujet traité, à savoir : l’attitude des travailleurs sociaux et le comportement des jeunes qu’ils ont a charge, qui surpassent allègrement les limites de la caricature.
Un film quasi indécent à l’égard des travailleurs sociaux et des jeunes placés en institution.

Il semble en effet y avoir plus de lucidité, de sincérité et de réalisme dans 2 minutes d’un film des frères Dardenne (voire dans le moindre documentaire réalisé par des amateurs ayant un jour fait un stage d’une semaine dans un foyer de jeunes) que dans tout « Grace ».

Les jeunes du foyer sont attachants, calmes et proprets, et semblent la majeure partie du temps se gérer seuls sans aucun problème, voire se montrer capables de se « guérir » les uns les autres à grands coups d’attentions mignonnes (ils font spontanément des cartes d’anniversaire pour l’une des nouvelles qui en a gros sur la patate).
D’ailleurs hormis quatre d’entre eux, Marcus le jeune dur sensible-au-fond-car-il-aime-les-poissons, Luis le branleur latino qui tchatche, Sammy le petit autiste roux qui joue avec des poupées et Jayden l’écorchée vive surdouée-et-artiste-qui-se-scarifie, les jeunes restent en arrière plan de l’histoire et font de la figuration.

Les « problèmes » du foyer semblent se borner à la rivalité entre deux jeunes qui se chamaillent (Marcus et Luis), des cas isolés de possession de stupéfiants (sachet de marijuana dans le matelas), des fugues qui se terminent bien sauf une fois (il y en a un qui est mort dans un lointain passé) et des tentatives de suicide où l’on perd 4 gouttes de sang (mais qui nécessitent une prise en charge d’urgence en réa). Presque tout le quotidien du foyer est cliché, toc et fait de broutilles, mais donne lieu néanmoins à exagération grandiloquente (ou à anecdote savoureuse et consensuelle dans la bouche de « Mase », l’éduc-copain-qui-sait-ce-que-c’est-car-il-l’a-lui-meme-vécu).
On nous parle régulièrement des « horreurs » qu’ont subi les jeunes et des « blessures » occasionnés par ces dernières sans jamais (ou presque) le percevoir à l’écran, la question de leur insertion en sortant du foyer est totalement idéalisée et anecdotisée (Marcus trouve, bien sur, un job dans un aquarium, lui qui adorait son défunt poisson rouge) …

Le pire toutefois, c’est la posture des soit disant éducateurs en charge du foyer. Oscillant entre copinage et confidences sans retenue, on peine à percevoir la dimension sécurisante, cadrante et responsable qui est sensé être attachée à leur rôle.
Nate, le nouveau, fait part à tout bout de champ de ses états d’âmes quand à son job devant les jeunes, Mason passe son temps à faire son copain un peu régressif, voire scato, répétant à qui veut l’entendre l’anecdote du jour où il s’est chié dessus… La palme revenant haut la main à Grace, « l’héroïne » du film. N’ayant jamais, très manifestement, fait de travail sur elle-même et son propre passé d’enfant abusé, elle semble en demande régulière de pouvoir le faire auprès des enfants perturbés qu’elle à en charge. Ca ne fait pas une semaine que la « nouvelle » est là qu’elle a déjà vu les cicatrices de scarification de son « éducatrice », qu’elle sait que cette dernière a été mise enceinte de son père et, même, suprême cerise sur le gâteau de l’invraisemblance, qu’elle est contrainte d’empêcher Grace de tuer son propre géniteur (pendant son sommeil, à coups de batte de base-ball, après effraction à domicile) parce que celle-ci fait un « transfert »! Le tout est même tourné comme une expérience positive pour la petite Jayden, qui peut ainsi se reconnaître dans son éducatrice et l’aider à cheminer pour mieux cheminer elle-même.
Au final, c’est l’enfant perturbé qui prend la place de l’éducateur, et qui aide les adultes (irresponsables et en souffrance) à se reconstruire. C’est la morale de cette fiction navrante et complètement à côté de la plaque, et on est sensé applaudir à une si touchante aventure humaine…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire