Un film quasi indécent à l’égard des travailleurs sociaux et
des jeunes placés en institution.
Il semble en effet y avoir plus de lucidité, de sincérité et de réalisme dans 2 minutes d’un film des frères Dardenne (voire dans le moindre documentaire réalisé par des amateurs ayant un jour fait un stage d’une semaine dans un foyer de jeunes) que dans tout « Grace ».
Les jeunes du foyer sont attachants, calmes et proprets, et
semblent la majeure partie du temps se gérer seuls sans aucun problème, voire
se montrer capables de se « guérir » les uns les autres à grands
coups d’attentions mignonnes (ils font spontanément des cartes d’anniversaire
pour l’une des nouvelles qui en a gros sur la patate).
D’ailleurs hormis quatre d’entre eux, Marcus le jeune dur
sensible-au-fond-car-il-aime-les-poissons, Luis le branleur latino qui
tchatche, Sammy le petit autiste roux qui joue avec des poupées et Jayden
l’écorchée vive surdouée-et-artiste-qui-se-scarifie, les jeunes restent en
arrière plan de l’histoire et font de la figuration.
Les « problèmes » du foyer semblent se borner à la
rivalité entre deux jeunes qui se chamaillent (Marcus et Luis), des cas isolés
de possession de stupéfiants (sachet de marijuana dans le matelas), des fugues
qui se terminent bien sauf une fois (il y en a un qui est mort dans un lointain
passé) et des tentatives de suicide où l’on perd 4 gouttes de sang (mais qui
nécessitent une prise en charge d’urgence en réa). Presque tout le quotidien du
foyer est cliché, toc et fait de broutilles, mais donne lieu néanmoins à
exagération grandiloquente (ou à anecdote savoureuse et consensuelle dans la
bouche de « Mase »,
l’éduc-copain-qui-sait-ce-que-c’est-car-il-l’a-lui-meme-vécu).
On nous parle régulièrement des « horreurs »
qu’ont subi les jeunes et des « blessures » occasionnés par ces
dernières sans jamais (ou presque) le percevoir à l’écran, la question de leur
insertion en sortant du foyer est totalement idéalisée et anecdotisée (Marcus
trouve, bien sur, un job dans un aquarium, lui qui adorait son défunt poisson
rouge) …
Le pire toutefois, c’est la posture des soit disant
éducateurs en charge du foyer. Oscillant entre copinage et confidences sans
retenue, on peine à percevoir la dimension sécurisante, cadrante et responsable
qui est sensé être attachée à leur rôle.
Nate, le nouveau, fait part à tout bout de champ de ses
états d’âmes quand à son job devant les jeunes, Mason passe son temps à faire
son copain un peu régressif, voire scato, répétant à qui veut l’entendre
l’anecdote du jour où il s’est chié dessus… La palme revenant haut la main à
Grace, « l’héroïne » du film. N’ayant jamais, très manifestement,
fait de travail sur elle-même et son propre passé d’enfant abusé, elle semble
en demande régulière de pouvoir le faire auprès des enfants perturbés qu’elle à
en charge. Ca ne fait pas une semaine que la « nouvelle » est là
qu’elle a déjà vu les cicatrices de scarification de son
« éducatrice », qu’elle sait que cette dernière a été mise enceinte
de son père et, même, suprême cerise sur le gâteau de l’invraisemblance, qu’elle
est contrainte d’empêcher Grace de tuer son propre géniteur (pendant son
sommeil, à coups de batte de base-ball, après effraction à domicile) parce
que celle-ci fait un « transfert »! Le tout est même tourné comme une
expérience positive pour la petite Jayden, qui peut ainsi se reconnaître dans
son éducatrice et l’aider à cheminer pour mieux cheminer elle-même.
Au final, c’est l’enfant perturbé qui prend la place de
l’éducateur, et qui aide les adultes (irresponsables et en souffrance) à se
reconstruire. C’est la morale de cette fiction navrante et complètement à côté
de la plaque, et on est sensé applaudir à une si touchante aventure humaine…
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